lundi 11 mai 2015

Histoire de Pleyel Chapitre III/IV

Après le 2ème chapitre.

Ce troisième pionnier Auguste Wolff (1821-1887) est l'associé de Camille depuis 2 ans. Lui aussi pianiste talentueux et compositeur. L'entreprise étant très florissante, on a besoin de s'étendre, et donc à nouveau, on va déménager. cette fois-ci on voit très grand, on achète un bout de la plaine Saint Denis.
De nos jours, il ne nous reste que le Carrefour Pleyel, la rue Pleyel, le métro Pleyel, pour nous rappeler cette ruche de l'époque. Sur 55.000 m2 d'usines, Auguste y installe 400 machines-outils. L'air comprimé et la vapeur pour les machines sont générés par une station autonome. D'immenses hangars sont construits pour sécher le bois. l'usine ressemble à un bourg dans la plaine.
700 ouvriers s'activent et un escadron de pompiers est à demeure.
2500 pianos par an sortent de l'usine qui affiche sur le fronton de la porte d'entrée : Pleyel - Wolff et Cie.

Auguste Wolff marié à la nièce du compositeur Ambroise Thomas, aura neuf enfants dont Germaine qui épousera en 1883, Gustave Lyon. Quatre ans plus tard, Auguste épuisé par tant d'exploits, meurt. Gustave lui succède.
C'est notre quatrième pionnier Gustave Lyon (1857-1936).
Quel cerveau celui-là ! Il est polytechnicien, ingénieur des mines et excellent musicien. Il va étudier particulièrement la science du son. Elle fait appel à la mécanique des fluides, la mécanique vibratoire, la mécanique du solide transformable et la thermodynamique. Le terme acoustique vient du grec ancien (akoustikos) qui signifie l’ouïe. Déjà au 6ème siècle avant J.C., Pythagore étudia l'acoustique musicale. Les grecs à l'époque maitrisaient parfaitement les propriétés sonores des matériaux qu'ils utilisaient pour édifier leur amphithéâtre.
Le théâtre d'Epidaure construit au 4ème siècle avant J.C. est un joyau qui témoigne de cette science. Galileo - Galilei en 1638, dans ses " discours mathématiques concernant deux sciences nouvelles ", commente la notion de fréquence musicale. L’ouïe est généralement considérée comme le plus fin des sens ; l'acoustique explore sa physiologie qui va du pavillon de l'oreille jusqu'aux corrélations synaptiques du cerveau. En fait, l'acoustique c'est la propagation dans l'air d'un son constitué par un mouvement d'air rapide qui parvient à l'oreille humaine.

En France, nous avons la chance d'avoir Gustave Lyon qui au début du 20ème siècle va découvrir des secrets d'acoustique, et nous offrir une salle de concerts unique. Mais bien avant, en 1890, Pleyel fête la sortie de son 100.000 ème piano.
Gustave modernise les usines, les pianos sont traités pour supporter des variations atmosphériques importantes. On les envoie en Amérique du Nord et du Sud, en  Australie.

Dans le livre "la Salle Pleyel" de Fourcaud, Pougin et Pradel, paru en 1893 à Paris on lit page 119 : " On peut dire que les pianos de MM. Pleyel, Wolff et Cie sont connus et appréciés du monde entier. Il n'existe point peut-être de notoriété plus universelle. leur solidité à toute épreuve, les qualités du son qui les caractérisent, leur ont assuré depuis longtemps la faveur de tous ceux qui se servent de cet instrument. Ils possèdent surtout sans exception la haute préférence de tous les maîtres du piano en France et à l'étranger. Voici d'ailleurs la preuve la plus éloquente de l'estime dont ils jouissent : depuis sa fondation, la maison Pleyel Wolff et Cie à fabriqué et vendu 108.000 pianos. C'est évidemment le plus bel éloge qui puisse être fait de ses instruments ".

Il faut savoir que l'organisation ouvrière et l'économie sociale instaurées par la famille Pleyel, sont un modèle d'intelligence pratique. Si nos entreprises actuelles bénéficiaient d'un tel modèle, bon nombre d'organisations étatiques deviendraient inutiles et notre société serait apaisée.
D'abord, on considère l'ouvrier comme un associé, membre d'une association qui est l'usine. Pour y entrer dans cette usine, on doit faire ses preuves. Prenons un enfant qui entre en apprentissage à l'usine. D'abord il entre à l'école Pleyel placée dans l'usine même, entre 5 et 8 ans ; il peut compléter son instruction à l'école publique de Saint Ouen ou Saint Denis. Muni de son certificat d'études, il revient à l'établissement et fait trois ans d'apprentissage. On le fait passer dans tous les ateliers pour acquérir une instruction professionnelle complète. Par une compréhension très élevée de l'usine, on veut qu'il ait une connaissance suffisante de toutes les parties de la facture. On ne dresse pas des machines, on forme des hommes ayant des lumières sur tout ce qui concerne le métier. Au bout de ces trois ans, on dirigera l'apprenti vers telle ou telle spécialité, après avoir observé ses aptitudes particulières.
On donne à l'apprenti un franc par jour, puis deux, puis trois. Dès que le jeune est devenu ouvrier il gagne 4 jusqu'à 8 francs pour un travailleur d'élite. On lui apprend à épargner dès l'enfance, on lui donne une petite caisse pour cela, et pour l'encourager la direction lui verse chaque année une somme égale à ce qu'il a réussi à épargner. Ceux qui sont célibataires ou qui logent trop loin de l'usine trouvent un excellent repas à bon marché. L'usine Pleyel a fort bien compris son rôle de tutelle en développant chez les sociétaires le sens de la prévoyance et de la responsabilité.
Si l'ouvrier veut placer l'argent qu'il a mis de côté, la maison Pleyel lui ouvre un compte de dépôt portant un intérêt que bien peu d'état et de placements industriels sont en mesure d'assurer de nos jours. Le placement rapporte intérêt, le prêt n'en coûte aucun. Celui qui demande un emprunt l'obtient sur son "simple engagement d'honneur" de le rembourser, à raison de 2 francs par semaine. Tout le système est basé sur la confiance et la loyauté. Et cela fonctionne très bien ! Les malades sont visités gratuitement par le médecin, et les médicaments leur sont donnés gratuitement.
En dehors de cette assistance de la maison, les ouvriers ont organisé deux sociétés de secours : la société de secours mutuel et le groupe mutuel. Ce dernier recrute par adhésions volontaires, tandis que la société englobe d'office tous les ouvriers. Lorsqu'enfin l'ouvrier atteint 60 ans et se trouve avoir 30 ans de service, il devient pensionnaire tout en continuant à travailler à l'atelier, s'il le veut. C'est à dire qu'outre son salaire, il reçoit une pension minima de 365 francs par an, et cela sans qu'il ait jamais versé un sou à la caisse des retraites ou subi la moindre retenue d'appointements. A sa disposition, l'ouvrier a une bibliothèque privée de 3000 livres, un club d'archers avec un stand de tir aménagé, une fanfare dont les instruments sont un don de la maison et dirigée par un chef de musique de talent.
A chaque étape de sa carrière, l'ouvrier trouve une institution d'aide, de camaraderie, de secours ou de prévoyance.
Pour expliquer son management, la maison Pleyel explique que : "nous considérons notre affaire comme la collaboration intelligente et volontaire de tous nos ouvriers".

Ces entrepreneurs sur quatre générations, nous ont démontré ce que des musiciens intelligents et décidés savent faire. Ils sont parfaitement modernes. ils me donnent l'envie de continuer leur histoire, de la pousser à l'extrême du savoir et de l'esthétisme, alors que nos contemporains ne se sont occupés que de contenants politiques sans contenu !

A suivre….

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